Yurei à la tête coupée

Peinture


Description

Yūrei (fantôme) tenant une tête coupée
Rouleau, encre sur papier, montage en soie
Période Edo-Meiji, XIXème siècle
H. 130,5 (194) cm – Larg. 54,3 (63,5) cm

Le fantôme d’une femme est consumé par la rage et l’effroi. Son âme malveillante est retenue sur terre après sa mort afin d’y assouvir sa soif de vengeance sur les vivants. Ses dents serrées expriment un ressentiment brûlant. Ses longs cheveux décoiffés sont peints un par un à l’encre noire, ils contrastent fortement avec sa peau d’une grande blancheur et les contours flous de sa silhouette émergeant d’un champ que l’on imagine volontiers jonché de cadavres abandonnés.
D’une main elle tient fermement une tête coupée encore dégoulinante de sang, son autre main est levée vers le ciel, telle Salomé demandant pour sa danse la tête de Saint Jean-Baptiste. La tête semble verser des larmes de sang méticuleusement peintes en rouge, conférant une touche réaliste à la scène et suggérant une décapitation récente. Le visage est peint comme s’il était en vie, ce qui contraste fortement avec la pâleur et l’évanescence du fantôme dont le seul attribut clairement défini est la chevelure.

Au Japon, il était très important pour les femmes d’avoir une belle et longue chevelure. Se couper les cheveux indiquait un retrait du monde matériel, la fin des sentiments, de l’amour, de la jalousie, de la haine et du désir. Les cheveux courts étaient associés à une vie austère, pour ainsi dire monastique, alors que les cheveux longs étaient les symboles de la beauté d’une femme et de sa sexualité.
Les cheveux, des femmes et des hommes, avaient une relation au divin : en japonais « cheveux » se prononce « kami », comme pour « dieu ». On considérait que les cheveux détenaient un pouvoir spirituel ainsi que les objets (comme les peignes) qui leur étaient associés et les ornaient. Dans le Kojiki (Chronique des faits anciens), le plus ancien recueil de mythes concernant l’origine du Japon et des dieux, on lit que le premier dieu se servit de son peigne pour échapper à l’impureté de la mort. Les cheveux symbolisaient l’âme et la vie.
Inversement, être échevelé symbolise un état mental anormal ce que l’on peut constater avec les masques nō par exemple. Les cheveux longs étaient sacrés mais s’ils étaient décoiffés et mal entretenus ils devenaient inquiétants, effrayants. Cette symbolique est toujours utilisée comme par exemple dans le film d’horreur japonais « The ring » où des cheveux longs sont utilisés pour matérialiser une présence humaine sinistre et inquiétante. Au Japon, la plupart des représentations de fantômes les dotent de longues chevelures décoiffées que les Japonais considèrent depuis toujours comme dérangeant et effrayant.


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